top of page

L'extrême-droite à mes trousses

Si vous suivez Horizon Québec Actuel sur les réseaux sociaux, vous avez peut-être écouté cette entrevue qu’un compagnon de route français - Louis Viallet - a accordé à OM5 TV. Selon l’intervieweur, Horizon Québec Actuel serait d’extrême-droite, sous-entendant qu'il appartenait au camp du mal absolu.


Les histoires entourant les remorquages de ma voiture expliquent bien mon confort à endosser ce qui est considéré, à tort je crois, comme de l'extrême droite.


J’ai d’abord hésité à écrire cette chronique.


S’il fallait écrire un article à chaque ticket de stationnement absurde qu’un citoyen reçoit sur l’île de Montréal, les médias ne fourniraient plus à la tâche. Ce remorquage m’est apparu particulier et digne de mention quand j’ai aperçu la signature « FN » pour désigner le nom du remorqueur. Ce FN avait-il un lien avec le Front National ? Mystère…


Puis j’avais déjà écrit une chronique sur un sujet similaire durant l’époque que j’écrivais pour le journal étudiant de l’Université de Moncton nommé « le front ».


Merde ! J’y pense…




Robert Monckton, lieutenant-gouverneur de Nouvelle-Écosse entre 1759 et 1761. Il a joué un rôle de première importance dans la Déportation des Acadiens.


Le front


Ma jeunesse se fit-elle au sein d’une milice d’extrême droite ?!


Et puis non. Qui oserait croire qu’il y aurait, hormis quelques cas isolés, de l’extrême-droite dans la très pacifique ville de Moncton dans laquelle le taux de criminalité était, jusqu’à tout récemment, l’un des plus bas au Canada ?!


Ils la riront bien à Moncton.


Oups ! Moncton, ça renvoie au général Robert Monckton à qui on associe la déportation des Acadiens… Serait-ce d’extrême droite ? Dans tous les cas, c’est extrême. Et puis, le nom le plus commun de cette ville est Leblanc… On ne rigole pas avec ça. On est dans le racisme systémique du premier ministre Couillard sur lequel il y aura bientôt une commission d’enquête.


Pas de quoi rire.


Les Acadiens pourraient passer pour aussi pourris que ces politiciens qui sont passés par la commission Gomery. C’est d’ailleurs bien l’objectif de faire passer le peuple, peu importe sa provenance, pour aussi pourri que les politiciens fédéraux.


Pour noyer le poisson, pourquoi ne pas dire plutôt « les gens de Dieppe (Banlieue francophone de Moncton) seront morts de rire » ?


C’est sûr que là, ce ne sera pas le « débarquement » de Normandie à Dieppe en France dont il sera question, mais bien le débarquement des avocats dans mon appartement. Connaissez-vous la lourdeur des gens de droit qui calquent leur jugement sur les écrits constitutionnels ? Des affaires pour qu’ils réagissent de la manière suivante : « Les soldats morts à Dieppe ne sont pas morts de rire. Ils sont morts pour la liberté. Vous commettez le crime de révisionnisme, monsieur !!! »


Ou sinon, plutôt… comment dirais-je… Je ne veux pas mettre personne dans l’embarras… « les gens du Nouveau-Brunswick vont rire ». Mais j’oubliais… la province tire son nom à l’origine du duché de Braunschweigh en Allemagne autrefois appartenant à la couronne d’Angleterre. C’est sûr qu’on fera un lien avec l’Allemagne… l’Allemagne nazie !


Aille ! ça sera difficile à défendre. Les Acadiens seront associés à l’extrême-droite et ce sera par ma faute.


Toute critique orientée on sait tous vers où est vue comme de l’extrême droite. Qui dit extrême-droite, renvoie implicitement à Pétain, donc déportation donc négation des chambres à gaz donc Nazi donc Hitler, donc le démon parmi les démons, le pire homme que la terre ait porté… Bref, le festival de la nuance.


L’essayiste Michel Onfray qui a prononcé cette blague au début d’une de ses conférences fait qu’elle n’est même plus drôle. Pourtant, plusieurs journalistes continuent de faire tourner la blague que le commun des mortels prend au sérieux. Quoique de moins en moins. Le scrutin de la présidentielle française le démontrera bien assez.


Donc, puisque même l’Acadie (donc, presque tout le monde) pourrait être soupçonnée de souffrir de l’extrême droite aiguë, autant l'assumer moi-même. D’autant plus que mon défunt grand-père se nommait Jean-Marie…


Voilà. Suis-je un extrémiste de droite ?


La suite vous le fera constater par vous-mêmes.



Le remorquage de mes deux


J’en viens à mon histoire de remorquage. Je vais chez l’épicier arabe d’à côté quelques minutes. Autrement dit, j’encourage pourtant le multiculturalisme que la loi nous impose.


Rien n'est moins sûr.


Plusieurs stationnements étaient libres, je comptais aller au Pharmaprix ensuite… je laisse la voiture dans le stationnement devant le Pharmaprix. C’est bien indiqué que le stationnement est réservé aux consommateurs du centre d’achat. Mais comment savoir que le marché arabe qui se situe à côté de la pharmacie et qui porte le nom Yasmine n’est pas sur le terrain du centre d’achat Norgate ? Allez donc savoir. On apprendra plus tard du remorqueur qu’ils ont repéré que j’étais sorti du terrain par les nombreuses caméras qui surveillent le stationnement. Je reviens à ma voiture 10 minutes plus tard.


Elle a disparu.


Un conducteur de taxi stationné non loin de là m’annonce qu’elle s’est fait remorquer. Je téléphone au numéro inscrit sur les pancartes indiquant que le stationnement était réservé aux consommateurs du centre d’achat.


Le remorqueur m’apprend que je dois payer 125 $ pour le remorquage. Je lui explique ma situation: je comptais consommer dans le centre d’achat Norgate. Il n’entend rien.


Je me mets en colère.


Il me menace d’appeler la police.


Je raccroche.


Il se déplace vers moi.


Au final, aucune entente possible. Selon le remorqueur, j’étais chanceux parce qu’à bien d’autres endroits le remorquage m'eut coûté 300 $.


J’ai fini par payer. Au nombre de témoin qu’il y avait, dans la majorité des pays, le remorqueur aurait hésité. Il aurait craint une réplique. Il aurait au moins eu la décence d’être gêné de son mauvais coup, parce que conscient de son manque d’indulgence.


Mais bon, c’est vrai que j’habite Ville-Saint-Laurent, pays des sans-pays (voire l’article une balade à Ville-Saint-Laurent), pays de l’indifférence généralisée. La possibilité d’une riposte est si faible que le remorqueur peut se permettre d’être au-dessus de ses affaires, voire même d’être arrogant.


Aucune gêne de sa part.


Ça faisait 15 ans qu’il faisait ce métier, ce qui semblait le rendre, selon sa perception, infaillible. À cette affirmation selon laquelle ces 15 ans de travail dans le domaine le rendaient infaillible, j’ai répondu avec plus de calme que j’en avais démontré jusque-là : « Pauvre vous ». Si ce 125 $ paraît un châtiment démesuré compte tenu de l’infraction, que dire de 15 ans de travail dans ce genre de métier ? Son métier, contrairement aux remorqueurs de CAA qui nous sauvent d’embarras à des heures et des endroits pas possibles, c’est de nous embarrasser, autrement dit, de faire chier les gens. Ne voulant pas d’embarras supplémentaires, j’ai payé.



L'engin


Je m’étais déjà retrouvé dans une situation similaire, mais sans paiement. Remorqué à partir de l’Université de Moncton (Université francophone), nous étions, moi et un ami, allé chercher sa voiture jusqu’à la fourrière - cette dernière unilingue anglaise, comme si un franco n’était pas capable de remorquer - et, sans payer, sur les chapeaux de roue, nous avions déguerpi de la cour. Au passage, le propriétaire de la fourrière avait arraché le rétroviseur et donné un coup de pied sur le pare-chocs arrière de la voiture pour ensuite tomber à la renverse. L’un des employés de la fourrière avait tenté de fermer la barrière pour nous empêcher de sortir, mais nous étions passés juste à temps.


La police ne voulait pas se mêler de ce qui ne la regardait pas.


La journée d’après, une lettre de menace en provenance de la compagnie de remorquage trônait sur le capot de bagnole. La plaque d’immatriculation de la voiture avait été enregistrée à une adresse québécoise, alors comment diable avaient-ils su l’adresse où se situait la voiture au Nouveau-Brunswick ? Même si seule l’université connaissait l’adresse néo-brunswickoise du propriétaire de la voiture, on n’a jamais su hors de tout doute comment ils y étaient arrivés. Nous avions eu beaucoup de plaisir. Voilà le type d’histoire vraie que je me permettais de raconter dans le journal étudiant le front…


Comment arrivait ce genre d’histoire ? Nous étions jeunes et cons. Notre corps n’était pas encore une machine-à-payer-sans-poser-de-question. Avec les augmentations salariales de quelques millions de la part de Bombardier à même les fonds publics alors que la compagnie se dirigeait vers une faillite, et la faiblesse des pénalités envers les bandits à cravates, c’eut été difficile dans cet état d’esprit - jeune et con - de comprendre comment les gens arrivent à accepter le paiement pour des délits qui n’en sont pas vraiment. Maintenant qu’il m’est arrivé de payer les conséquences d’un pareil délit sans poser de question, je comprends mieux.


Je comprends mieux la colère sourde des gens. Le train de vie urbain est une froide mécanique qui fonctionne toute seule parce que toutes les pièces et composantes que forment les hommes sont reliées. Vous arrivez une minute en retard au travail que, sans vous en rendre compte, vous avez un impact sur le reste de vos semblables. Celui qui remet en question le fonctionnement de tout l’engin paralyse ainsi toute la machine et tout le monde lui en veut.


Lorsque je chialais et insultais le remorqueur, celui qui passait pour idiot n’était pas le remorqueur zélé à outrance, mais bien moi, ce dangereux extrémiste qui chiale sur la place publique et qui empêche tout le monde de poursuivre leur train-train quotidien tranquille. En privé, on vous trouve courageux, en public, on se retient de vous appuyer. Comme personne ne veut que l’engin soit paralysé, la majorité des gens qui ont assez d’argent paie sans poser de question peu importe que ce soit pour une raison injuste, et serait même tentée de payer mon ticket pour que cesse la paralysie du mouvement.



Extrême-droite aiguë


Mon colocataire, originaire de l’île de la Réunion et qui adore le Québec, cherche parfois à comprendre la raison pour laquelle les Québécois chialent autant. « Il y a un problème, tu le résous, point barre », dit-il. S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.


Ma réponse : les Québécois chialent parce qu’ils sont politiquement et économiquement impuissants. Impuissants parce que, pour divers raisons, presqu’aucun d’entre nous, tout particulièrement les politiciens, n’arriveraient à prendre la chance de ne pas payer ce qui lui est injustement retiré des poches. Il est obligé de payer. Parce qu’il est obligé de payer, il réprime son envie de tout foutre en l’air qui mettrait tout son peuple dans la merde, mais il se garde le droit de chialer en privé ou sur Facebook. S’il ne chialait plus, plus rien ne le différencierait du guichet automatique au comptoir Desjardins.


Ceux qui ne voient pas de problème actuellement à continuer de payer sans poser de questions et voient de l’extrême droite là où il n’y a qu’un sursaut d’impatience vis-à-vis l’impossibilité de faire payer l’hyperclasse, n’est pas loin de former un guichet automatique. Rien ne les empêchera de jouer leur rôle et d’ainsi payer le remorqueur. Le remorqueur irait jusque dans leur stationnement privé pour remorquer leur voiture qu’ils paieraient le remorquage sans poser de question, de peur de souffrir, de par leur haine du remorqueur, d’extrême droite aiguë.



bottom of page