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Une ballade dans Ville Saint-Laurent

Je profite de la récente élection de la nouvelle députée de notre circonscription, madame Lambropoulos, pour présenter à quoi peut bien ressembler une partie de son comté. Madame Lambroupolos, rappelons-le, a défrayé la chronique en se faisant élire à son très jeune âge (26 ans) à l’investiture du parti libéral, à la surprise des médias, devant deux personnalités assez connues parachutés imposés par le parti : Yolande James (ancienne ministre du gouvernement Charest) et Marwah Rizqy (fiscaliste internationale, membre du barreau du Québec et de New-York et enseignante à l’université de Sherbrooke). Cette dernière était d’ailleurs la candidate libérale dans mon ancienne circonscription, celle d’Hochelaga.


Pour revenir à Madame Lambropoulos, elle avait reçu l’appui de l’ancien député de Saint-Laurent-Cartierville et ancien ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion qui voulait sans doute ainsi se venger de sa mise de côté par le parti de monsieur Trudeau. Devenue candidate du parti libéral, elle pouvait déjà se considérer comme élu, tant le parti libéral est tout puissant dans ce comté.



La candidate libérale anti-francophone sous la bannière de Bombardier


Quand j'ai déménagé à Ville Saint-Laurent, l’ami qui m’aidait m'avait dit « Un gars de Trois-Pistoles dans Montréal… il y a quelque chose qui marche pas. Tu cadres pas dans le décor. »


Il n’avait pas tort.


Les Canadiens français vivaient autrefois en campagne et vivent maintenant en banlieue plus communément nommée la couronne de Montréal. Ils vivent peu en ville. Ils ne l’aiment pas et elle la leur rend bien. En ville, ils deviennent bien autre chose que Canadien français. Ça dépasse la volonté individuelle. On se fait avaler par le mouvement d’urbanité et le cosmopolitisme. Pour ma part, la ville a fait de moi un Québécois errant. Quand j’habitais dans l’est de l’île de Montréal, ça pouvait aller, je pouvais me contenter de certains repères, et ce même ami qui disait que je ne cadrais pas dans le décor ne tenait pas ce genre de propos. Maintenant que je vis à Ville-Saint-Laurent, le contraste entre moi et ceux qui m’entourent devient en effet évident, voire même parfois étrange.


Si dans l’est de Montréal, le quartier où je vivais avait tous les aspects d’un immense club de l’âge d’or, Ville Saint-Laurent est mû par le bouillonnement incessant des petites familles de 3 à 4 enfants en laissant pourtant, ironiquement, que quelques miettes au lendemain ou à la postérité. On vit ici au jour le jour et la rapidité à laquelle certains bâtiments ont été construits, on a qu’a regarder la brique inégalement posée de mon logement pour s’en convaincre, ne permet pas de croire que les gens y resteront assez longtemps pour que le quartier fasse long feu. Cet article sera peut-être l’un des seuls souvenirs que l’on conservera de cette petite étincelle de vie dans l’incessant et immense bourdonnement occidental qui ne fait que peu de cas des ghettos multiculturels. Étincelle de vie qui s’avère pourtant assez différente de ce qui se passe ailleurs au Québec et à bien des endroits au Canada et qui gagnerait à être mieux connue. Les vieillards que je croisais dans le centre d’achat de mon quartier de l’Est de Montréal ont certainement plus de chance de demeurer au même endroit dans dix ans que les petites familles de Ville Saint-Laurent. On a pour preuve qu’à toutes les semaines on peut apercevoir des camions de déménagement et des meubles abandonnés sur le bord de la rue.


En circulant sur le boulevard Décarie qui devient la rue Décarie au croisement du boulevard Côte-Vertu, en marchant sur les trottoirs de ce tronçon commercial qui date d’avant la Première Guerre mondiale, on peut apercevoir une librairie moyen-orientale, des restaurants et marchés de plusieurs communautés ethniques minoritaires de Montréal. Ce qui m’impressionna quand je rentrai dans l’un des restaurants qui s’adonna être coréen ce sont les boys-band coréens qui s’illustraient sur l’écran géant du restaurant. Les Back-Street boys, les new kids on the block, les N’sync ont donc un pendant coréen. Je me suis alors dit, « ciel le progrès se rend vraiment partout ». Comment ne pas se prosterner devant tant d’élégance et de goût en matière d’art ! Vive la diversité culturelle !


Je sais, il ne faut par se moquer des malheurs des autres cultures… Simplement, la diversité dont on nous vend la beauté n’est bien souvent qu’un ramassis de cultures américanisées qui n’ont plus rien à voir avec la culture originale de leur pays respectif.


Trouver des repères…


Ville Saint-Laurent a la particularité de se situer sur un terrain totalement plat, sans relief. Il y a la Rivière des Prairies non loin, mais cette rivière longe plutôt Cartierville que Ville Saint-Laurent et n’est décelable d’aucun point de vue de la ville. Et puisque nous n’apercevons pas cet affluent du fleuve, il est plutôt difficile de se repérer sans connaître le nom des rues. Et quand nous les connaissons, les bâtiments des entreprises qui n’ont pour différence que l’affichage du nom de la compagnie ainsi que les appartements d’une couleur toujours similaire n’ajoutent pas beaucoup à la facilité de se repérer.


Les rues sont larges telles celles de la banlieue et, généralement, leur nom est francophone, les cours des Collège Vanier et Cégep Saint-Laurent se donnent à l'intérieur de majestueuses églises, preuves qu’autrefois, cette partie de la ville était toujours québécoise. Je le précise parce que ce sont les seuls repères encore visibles et quiconque prend une marche dans Ville Saint-Laurent doit reconnaître que la très grande majorité des habitants n’y habitent pas depuis longtemps et ne saurait-vous dire ce qui s’y passait il y a seulement deux ans de cela… Disons qu’on est loin du culte des ancêtres, avec pour résultat qu’on finit tous un peu par se chercher soi-même et sa route. Mais restons positifs, les gens y parlent encore français… de temps en temps.


En prenant une marche dans les alentours, j’ai aperçu des enfants jouer. Apercevant la balle s’en venir dans ma direction, j’en déduisis qu’ils jouaient au baseball comme dans ma jeunesse… mais non, ils jouaient au cricket.


Je m’arrête dans une fruiterie. Le Québec est reconnu pour sa variété de pommes. Dans cette fruiterie, on limitait le choix aux pommes jaunes et vertes Granny smith.


Les exemples de ce genre sont légion


Voilà ce que je veux dire quand je vous dis qu’on est plus tout à fait au Québec.


Puis, je poursuis ma marche.


En ce dimanche après-midi, le Second Cup et les Tim Hortons sont bondés de monde dont l’allure n’a que très peu à voir avec la majorité des Québécois. Comme si la messe s’était poursuivie à l’extérieur du lieu de culte. Pourquoi aller dans un café entretenu par des gens de sa propre communauté quand on peut se donner l’impression de devenir canadien en allant au Tim Horton ? Si ce n’est pas la preuve que beaucoup d’immigrants cherchent, un peu paresseusement il faut bien le dire, à se distancier de leur communauté, je ne sais pas ce que ça vous prendra pour vous convaincre. Les deux premiers Tim Hortons devant lesquels je suis passés étaient remplis à craquer, de sorte que j’ai attendu de me rendre au troisième qui fut sur mon chemin pour m’arrêter m’asseoir et prendre un café. En y entrant, j’ouvre la porte aux deux demoiselles qui me suivent et, dans la fille d’attente, je les écoute parler. En anglais, en français, en anglais, en français, en anglais… décidez-vous ! pensais-je. Au final, elles se sont assisses, et quand leurs amis aux yeux plus bridés que les leurs les ont rejointes, elles ont tranché – la conversation se termina uniquement en anglais.


À l’opposé, je rencontre une madame qui me rappelle Aunt Jemima. Elle me prend d’abord pour un Belge. Je lui dis que je suis québécois. Elle se tord d’excuse et semble voir l’opportunité qui lui avait toujours paru inaccessible dans Ville Saint-Laurent d’apprendre ce que c’est que d’être québécoise…


Difficile de lui dire qu’en errant dans Ville Saint-Laurent je ne suis plus tellement représentatif de ce que sont les Québécois. Elle voudrait tellement que je sois Québécois.


Malheureusement, j’erre plutôt comme un débris… et j’arrive à y prendre plaisir. Pour quelqu’un qui n’a pas de pays autour duquel trouver ses repères, il n’y a pas de meilleur endroit pour errer que Ville Saint-Laurent.


Nous nous sommes trouvés un point commun, moi et Aunt Jemima.

Ville Saint-Laurent : le pays des cents pays ou des sans-pays… Bien davantage des sans-pays, si vous voulez mon avis.



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