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Les 12 travaux de Louis Cyr - Guide de survie littéraire du Canadien français # 1

Ce guide de survie littéraire présentera un ouvrage au début de chaque mois. Comme nous sommes déjà en avril, nous présentons quatre ouvrages pour cette première publication.


L’homme le plus fort que la planète ait porté se nommait Louis Cyr et était Canadien français. Ce dernier relevait les défis de son temps ; nous avons les nôtres.




Louis Cyr (1863-1912), le plus célèbre de tous les hommes forts du Québec




Inspiré par les 12 travaux d’Hercule, j’ai préparé une liste des lectures à l’adresse de valeureux gladiateurs intellectuels qui se portent volontaire pour combattre l’assimilation à l’empire et la médiocrité qui guette notre culture.


Les 12 œuvres sélectionnées seront réunies à la manière du calendrier de femmes nues que le dépanneur du coin de mon ancienne adresse commanditait avant de nous les donner : c’est-à-dire qu’il y aura, pour chaque mois de l’année, une belle photo saisissante dévoilant la forme de ces livres ainsi que juste assez de chair et de contenue pour que vous ayez le goût d’en voir plus. Suite à la description des œuvres, nous proposons différents défis à ceux qui désirent se mesurer à Louis Cyr et soulever de monstrueuses charges… intellectuelles. Qui saura soulever la plus grande charge de livre ? À vos marques… prêt ! Lisée ! Je veux dire… Lisez !



Janvier


Agaguk. Yves Thériault. 1958.




300 000 exemplaires vendus, traduits en 7 langues, en plus d’être en lice pour le prestigieux prix Goncourt en 1958, avant que Thériault ne soit mis sur la liste noire de la maison d’édition française Grasset en raison d’assauts répétés sur ses employées féminines.


L’un des premiers écrivains à vivre de sa plume au Québec a eu son plus grand succès via une histoire d’Inuits. Déjà ça, ça en dit long sur notre littérature. Mais cette histoire d’Inuits n’est pas qu’une histoire d’Inuits. Ce roman policier arrive aussi à nous faire revivre l’aspect animal de l’homme, celui de la survie immédiate. À travers le drame de l’arrivée en terre inuit (durant les années 30) de l’homme blanc, plus précisément des écossais ou irlandais marchands de peau et d’alcool retors, Thériault arrive à nous faire envier la brutalité et l’animalité de ses personnages. Non pas une violence caricaturale de lutteur, une violence bien plus insupportable : celle d’une confrontation rageuse avec la vie avec pour trame de fond l’intelligence de l’homme qui ne peut que se fier sur ses propres moyens et ceux de sa femme pour survivre. Homme pour qui la moralité de ses actions devient secondaire parce que la survie prime.


Ce bon vieux temps (je précise que je ne l’encourage pas) durant lequel il était encore possible de tuer un mécréant anglophone (ou tous ceux qui ne font pas parti de la tribu) et réagir en homme, sans trop en subir les médias sociaux, la justice blanche dans l’immédiat ou tout simplement le progrès sans demi mesure. Devrait-on appeler ça de la littérature virile ou plutôt de la littérature sauvage ? Ni l’un ni l’autre, la violence ce n’est que la vie. En ce sens, Thériault est l’un des plus vivants. Un des seuls auteurs qui n’a pas été domestiqué de son vivant.


Défi - Répondre à deux questions.


Quelle interdiction de tribu nommée par Thériault, la femme d’Agaguk doit-elle transgresser pour aider son mari à survivre devant les policiers blancs ?


Quel traitement Agaguk compte rendre au nouveau-né de sa femme si elle met au monde une fille ?

Février


Regards au Bas-Canada. Alexis de Tocqueville. 1831 à 1859.




Les observations du sociologue français à tendance libérale mais très nostalgique Alexis de Tocqueville au sujet du Canada français et des Amérindiens qui vivent principalement dans ce que Tocqueville nomme « le désert » ont de quoi redonner un peu de fierté à notre nation qui, par elle-même, peine à y arriver. Qu’un penseur mille fois reconnu tel Tocqueville nous flatte dans le sens du poil fait du bien, d’autant plus qu’il se base sur des observations auxquelles on se reconnaît encore aujourd’hui. Si les Français ont perdu leur âme suite à la révolution de 1789, les Canadiens français de 1831 préservent, selon Tocqueville, cette âme d’ancien régime qu’il affectionne. Sa rencontre avec certaines célébrités qui allaient par la suite écrire l’histoire du Bas-Canada, notamment lors des rébellions des patriotes (1837-1838), rend l’ouvrage intéressant pour les chercheurs, (il s’agit en effet d’un classique de la philosophie politique), mais demeure très attachant et accessible pour le lecteur moins chevronné.


Défi - Répondre à quatre questions.


Quel événement politique français majeur a précédé et certainement influencé l’écriture de ce livre et certainement sa sympathie à l’égard des Canadiens français ?


Quelle était la seule possession matérielle que le sauvage enviait à l’Européen, selon Tocqueville ?


De qui le Canadien français se méfie-t-il le plus entre le gouvernement (provincial) et l’anglais, selon Tocqueville ?


Quelle autre colonie, à une différence près, est une reproduction du Canada, selon ce que Tocqueville écrit dans la partie titrée «Le caractère national des Français au Canada » ?



Mars


Duplessis, son milieu, son époque. Essai dirigé par Lucia Ferretti et Xavier Gélinas. 2010.




Les 1000 pages de l’œuvre de Robert Rumilly concernant Duplessis m’apparaissent trop lourdes en information pour être accessible, même au commun des bons lecteurs. Rumilly y inclut trop de références à des événements peu familiers à ceux qui n’ont pas vécu ou lu l’époque. Malgré que l’œuvre de Rumilly forme LA référence, j’ai préféré recommander ce recueil d’essais de Ferretti et Gélinas décrivant les diverses facettes des années Duplessis. Cette époque (1936-1959) entièrement placée sur le dos du premier ministre Duplessis et rejeté et diabolisé par les élites montantes de la Révolution tranquille afin que ces vils opportunistes se bâtissent une réputation sur le cadavre encore chaud de Duplessis.


Cet ouvrage, dirigé par les historiens Lucia Ferretti et Xavier Gélinas, permet de redonner, en bien ou en mal, à Duplessis ce qui appartient à Duplessis. Les témoignages d’époque qui ont modelé grandement la perception erronée qu’on se fait de Duplessis et de son gouvernement, ceux notamment des Paul-Émile Borduas, Pierre Vallières, Lorraine Guay, Pierre Elliot Trudeau, Jacques Hébert, Marcel Trudel, Marcel Rioux, Gérard Pelletier (Martin Lemay démontre l’irrecevabilité de leur discours dans son livre À la défense de Maurice Duplessis) et autres initiateurs du mythe du croque-mitaine Duplessis ont produit un travail qui mériterait l’épellation « honte nationale ». La lecture de cet ouvrage aide en partie, s’il n’est pas déjà trop tard, à nettoyer les dégâts causés par cette liste de menteurs avérés ou de fabulateurs sans scrupule. On parle quand même ici du père… de l’initiateur de l’État québécois moderne ! Inutile de rappeler l’importance de cette lecture pour n’importe lequel des commentateurs de l’actualité politique. Demander plus d’états à la manière d’un Gabriel Nadeau-Dubois sans se reconnaître une certaine sympathie pour celui qui l’a créé serait d’une mauvaise foi déconcertante.


Défi - Répondre à quatre questions.


Selon Ivan Carel, de quel pays et de quelle école de pensée les opposants de Duplessis de la revue Cité-libre tire-t-il leurs arguments ? Se faisaient-ils une idée juste de la réalité de ce pays ?


En quelle année et sous quel gouvernement, le bureau de censure des vues fut-il créé ? Quel type de propagande échappe au contrôle du gouvernement provincial de Maurice Duplessis ? Quelle importance a cette dernière pour un gouvernement ?


En quoi la perception que se fait le gouvernement ontarien et le gouvernement fédéral par rapport à Maurice Duplessis est-elle différente ?


Pour quelle raison le journaliste au journal le Devoir, Pierre Laporte, s’en prend-t-il au gouvernement Duplessis quant à la gestion du développement l’hydroélectrique au Québec ?



Avril


Un homme et son péché. Claude-Henri Grignon. 1933.




Paul-Émile Roy a longuement étudié la littérature canadienne-française. Il affirmait dans je ne sais trop lequel de ses livres que parmi les écrivains québécois, seul les romanciers avaient donnés l’heure juste de leur temps et, souvent même, le mieux prévu l’avenir. Un homme et son péché confirment, selon moi, cette constatation. D’une moralité s’approchant d’une fable et rendant ignoble le péché d’avarice au sein des régions en voie de colonisation de la fin du 19e siècle, ce roman, aux personnages forts et inoubliables, trace quelques traits canadiens-français de ce temps formant un tout dans lequel on se reconnaît tous un peu.


C’est bien normal.


La majorité de la population canadienne-française peuplait alors la campagne. Chaque village avait son avare (Séraphin). Chaque village avait sa pure chrétienne obéissante (Donalda), sa tête brûlée criblée de dettes au grand cœur (Alexis). Cette Eugénie Grandet de Balzac, version Sainte-Adèle, place des visages sur la personnalité des gens qui vous entourent. Séraphin, son cousin Alexis et sa dévouée femme Donalda, son seul ami, l’homme de la beurrerie Monsieur Brassard, et puis Bertine appelée à la rescousse de Donalda en plus d’être une des 8 filles d’Alexis marié pour sa part à « la grosse Artémise », tous ces personnages qui, assimilés à votre imaginaire, feront que vous ne verrez plus votre entourage de la même manière.


À noter : le roman original n’a rien à voir avec toutes les téléséries, films et téléromans produits par la suite.


Défi - Répondre à quatre questions.


Grignon emploi la langue populaire de son coin. Que signifient les expressions «Bonguienne» et « courir la galipote » ?


De quoi se compose une mouche de moutarde et à quoi sert-elle ?


Que répond Donalda lorsqu’Alexis lui offre d’aller chercher le médecin malgré les conditions routières difficiles ?


Dans quel village des Laurentides, Alexis doit-t-il se rendre pour aller chercher le médecin afin que ce dernier vienne à Sainte-Adèle donner les soins à Donalda ?



Ce guide de survie littéraire présentera un ouvrage au début de chaque mois. Comme nous sommes déjà en avril, nous présentons quatre ouvrages pour cette première publication. Pour les lecteurs qui souhaitent recevoir le corrigé des défis du guide de survie littéraire, envoyez-nous un courriel.





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